
Quand on m’a demandé ce qu’il fallait faire pour faciliter la création d’entreprise en Belgique ou faire décoller l’économie congolaise, ma première réaction a été de poser une autre question : "Qui est légitime pour initier le changement aujourd’hui ?" Est-ce le politique, avec sa vision de long terme, son pouvoir de régulation ? Ou est-ce l’entrepreneur, avec son agilité, sa capacité d’exécution et son contact direct avec le terrain ?Ma conviction est simple : les deux sont nécessaires. Mais aujourd’hui, ils ne se parlent pas assez.
En Belgique : un écosystème à fort potentiel, ralenti par des verrous structurels
Je suis basé en Belgique. J’y ai lancé plusieurs projets, dont NOKI, une plateforme destinée à démocratiser l’accès aux outils financiers et entrepreneuriaux, particulièrement pour les publics sous-représentés. Et ce que je peux dire, c’est que l’intention entrepreneuriale y est forte — mais les obstacles le sont aussi.
D’abord, le cadre fiscal. En Belgique, les charges sociales et fiscales atteignent rapidement 50 à 60 % du revenu dès les premières factures émises. Le problème n’est pas la contribution — elle est nécessaire — mais le timing : on taxe les entrepreneurs avant même qu’ils ne génèrent du profit. Dans les modèles anglo-saxons, le principe est inversé : on taxe le résultat, pas l’intention.
Ensuite, les procédures administratives. Même si des progrès ont été faits (création d’entreprise simplifiée en ligne, accompagnement public, etc.), la nécessité du notaire pour certaines formes juridiques ou les délais bancaires peuvent facilement retarder un lancement de plusieurs semaines. Dans un monde où la vitesse d’exécution est un avantage compétitif, c’est un frein invisible mais réel.
Enfin, l’écosystème d’investissement. Selon les données de l’European Investment Fund, l’Europe a investi environ 70 milliards d’euros en capital-risque en 2023, contre 345 milliards de dollars aux États-Unis. Ce décalage freine l’émergence de champions européens de la tech, notamment dans les secteurs stratégiques comme l’IA, la cybersécurité ou la biotechnologie.
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L’Europe, et la Belgique en particulier, dispose de talents exceptionnels en IA. Des centres comme l’Université de Louvain (UCLouvain) ou le VUB AI Lab sont à la pointe de la recherche. Pourtant, la majorité des start-ups IA à haut potentiel belges finissent par lever leurs fonds... aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Pourquoi ? Parce que le capital est frileux, les réglementations sont plus lentes, et les partenariats publics-privés plus complexes à mobiliser.
Nous avons besoin, en Belgique et en Europe, de politiques d’investissement public et privé plus audacieuses dans ces domaines. La transition écologique, la souveraineté numérique, la santé préventive, l’éducation personnalisée : tout cela passe par l’IA. Ne pas la financer aujourd’hui, c’est payer très cher demain.
RDC : l’énergie, les cerveaux, et une administration à rebâtir
Quand je parle de la RDC, ce n’est pas une abstraction. C’est personnel. Je suis d’origine congolaise. J’ai grandi dans la diaspora. J’ai vu ce que les Congolais peuvent accomplir — ici comme là-bas. Et je suis convaincu que le pays peut devenir un géant africain.
Mais pour cela, il faut un changement radical de paradigme.
Aujourd’hui, le PIB de la RDC est estimé à 67 milliards USD, pour plus de 100 millions d’habitants. C’est moins que le PIB de la Slovaquie, un pays 18 fois moins peuplé. Et pourtant, la RDC détient :
• le deuxième plus grand bassin hydrographique du monde,
• 80 % du coltan mondial,
• un potentiel touristique et culturel inégalé,
• une diaspora jeune, qualifiée, créative.
Ce n’est donc pas une question de ressources, mais de structuration.
Voici les 4 domaines clés que nous devons activer d’urgence :
1. L’éducation, notamment l’enseignement technique et entrepreneurial. Ce n’est pas une dépense : c’est un multiplicateur de richesse.
- L’énergie, avec Inga III et des projets solaires décentralisés. La RDC peut — et doit — devenir un exportateur net d’électricité pour l’Afrique centrale.
- Le numérique, en particulier les fintech, les plateformes edtech, et les IA adaptées aux réalités africaines (langues locales, données hors ligne, etc.)
- Le divertissement et le tourisme, avec Kinshasa et Goma comme hubs culturels et créatifs.
Mais au coeur de tout cela, il y a une condition : une administration solide. L’administration, c’est la colonne vertébrale du pays. Une colonne brisée, et c’est tout l’organisme qui tremble. Nous avons besoin de politiques publiques ambitieuses, exécutées par des institutions fortes, stables, et intègres.

Ce que je défends ici n’est pas une idolâtrie de l’entrepreneur. Ce serait irresponsable. Les entrepreneurs sont des éclaireurs, pas des sauveurs. Mais ce sont des capteurs du réel, des expérimentateurs, des traducteurs de besoins. Ils doivent être écoutés et outillés.
De l’autre côté, les politiques — élus, hauts fonctionnaires, responsables publics — détiennent la capacité de mise à l’échelle. Ils construisent les règles, sécurisent les parcours, stabilisent les avancées. Leur rôle est irremplaçable.
Il est temps que ces deux mondes se parlent franchement. Car aucune nation ne peut se bâtir sur une fracture entre ceux qui créent et ceux qui régulent.
Conclusion : Créer un pacte générationnel et stratégique
En Europe comme en Afrique, une nouvelle génération se lève. Elle est cosmopolite, connectée, engagée. Elle refuse le fatalisme. Elle veut entreprendre, gouverner, innover — tout à la fois.
Notre responsabilité, à nous les bâtisseurs, c’est de créer les ponts, de poser les bases d’un pacte générationnel :
• Entre le Nord et le Sud,
• Entre les diasporas et les pays d’origine,
• Entre les start-up et les États.
Je crois en une RDC debout, connectée, instruite, productive. Je crois en une Belgique audacieuse, qui ose faire émerger ses talents. Et je crois qu’entre les deux, une jeunesse peut écrire une histoire inédite.
Mais pour cela, il faut une alliance. Et une volonté claire : celle d’agir ensemble.
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