
Le président ivoirien Alassane Ouattara, 83 ans, a annoncé le 29 juillet 2025 sa candidature à un quatrième mandat lors de la présidentielle du 25 octobre prochain. Fort d’une révision constitutionnelle adoptée en 2016, il affirme que ce nouveau départ est juridiquement valable. Mais cette décision, prise alors que plusieurs rivaux politiques sont écartés de la course, ravive les tensions dans un pays où le passé électoral reste marqué par des violences. À l’approche du scrutin, l’équilibre entre légalité, stabilité économique et intégrité démocratique fait débat, au sein d’une population jeune, polarisée et préoccupée par le partage des richesses.
Une légalité controversée : la Constitution révisée au cœur du débat
La candidature d’Alassane Ouattara repose juridiquement sur la nouvelle Constitution adoptée en 2016. Celle-ci est censée avoir « remis les compteurs à zéro » en matière de durée présidentielle, effaçant les deux précédents mandats entamés en 2010 et 2015. Le chef de l’État, élu en 2010 après la crise post-électorale meurtrière (plus de 3 000 morts), réélu largement en 2015, puis en 2020, invoque donc un cadre juridique qui l’autoriserait à briguer un quatrième mandat.
« Ma candidature est conforme à la Constitution. Je suis en bonne santé. J’ai l’expérience. Je veux garantir la stabilité du pays », a déclaré le président dans son allocution télévisée le 29 juillet, en présence de cadres du RHDP, son parti présidentiel.
Mais du côté de l’opposition, la légitimité de cette interprétation est fortement contestée. Henri Konan Bédié, ancien président décédé en 2023, avait déjà dénoncé une « lecture opportuniste du droit ». Aujourd’hui, plusieurs figures de l’opposition qualifient cette démarche de « glissement autoritaire », estimant que le texte fondamental est utilisé à des fins de verrouillage politique.
« La Constitution n’est pas une carte d’abonnement illimité au pouvoir. Elle est là pour protéger les citoyens, pas pour prolonger des règnes », s’est indigné le porte-parole du PDCI-Renaissance, l’un des nouveaux partis issus de la scission post-Bédié.
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Sur le plan économique, le gouvernement ivoirien met en avant une croissance régulière, oscillant entre 6 % et 7 % ces dernières années. Selon les données du FMI, la Côte d’Ivoire a enregistré une croissance de 6,3 % en 2024, portée par les investissements publics, la modernisation des infrastructures et les exportations agricoles, notamment de cacao et de noix de cajou.
« Nous avons l’un des taux de croissance les plus élevés d’Afrique de l’Ouest. Mais il faut encore garantir que cette croissance bénéficie à toutes les couches de la population », a reconnu Ouattara lors d’une conférence économique tenue en juin à Yamoussoukro.
Malgré ces performances macroéconomiques, les inégalités sociales restent criantes. Le Nord du pays, bastion historique du pouvoir actuel, bénéficie d’un investissement public plus soutenu, tandis que l’Ouest et certaines banlieues d’Abidjan dénoncent leur marginalisation.
La jeunesse, qui représente plus de 70 % de la population ivoirienne, exprime de plus en plus son malaise face à l’absence de perspectives. Le chômage des jeunes diplômés atteint des taux préoccupants, et l’exode vers l’Europe ou les pays du Golfe reste massif.
« Le modèle ivoirien marche, mais pas pour nous », résume Yssouf Konaté, 28 ans, diplômé en gestion d’entreprise mais livreur à moto à Abidjan. Pour une partie de la population, la stabilité économique promise ne suffit plus : elle doit s’accompagner d’un contrat social équitable.
Une présidentielle verrouillée : opposants écartés, démocratie fragilisée
L’un des aspects les plus controversés de la campagne actuelle réside dans l’absence des principaux adversaires du président sortant. Plusieurs personnalités emblématiques ont été judiciairement disqualifiées :
Tidjane Thiam, ancien ministre et ex-patron du Crédit Suisse, a vu sa candidature rejetée en raison de sa double nationalité. Pourtant, le RHDP avait longtemps présenté ce critère comme une ouverture à la diaspora.
Laurent Gbagbo, ancien président, toujours populaire dans certaines régions du sud-ouest, est empêché en raison de sa condamnation par contumace pour des faits antérieurs à 2010, bien qu’il ait été acquitté par la CPI.
Charles Blé Goudé, ex-leader des jeunes patriotes, a été bloqué par une décision administrative liée à sa résidence à l’étranger.
Pour l’opposition et une partie de la société civile, ces exclusions ne sont pas anodines. Elles traduisent une volonté de « neutraliser toute concurrence sérieuse » et de transformer l’élection en « simple validation d’un pouvoir en place », selon un communiqué de la coalition Citoyens Debout.

Climat de répression : manifestations interdites, médias sous pression
Depuis l’annonce de la candidature, plusieurs rassemblements de l’opposition ont été interdits ou violemment dispersés. À Abidjan, la marche du 30 juillet prévue devant la Commission électorale indépendante (CEI) a été réprimée par la police, faisant plusieurs blessés selon Amnesty International.
Dans les médias, les voix dissidentes peinent à se faire entendre. Plusieurs organes de presse proches de l’opposition ont reçu des mises en demeure du Conseil national de la presse (CNP), invoquant des « manquements à la déontologie ».
« La liberté d’expression est menacée. Et l’arène politique est vidée de sa pluralité. Cela nous rapproche d’un régime à façade démocratique », s’inquiète Fatou Diaby, journaliste et membre du Réseau des Femmes des Médias.
Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies a également exprimé « sa préoccupation face à la détérioration du climat politique en Côte d’Ivoire à l’approche de l’élection présidentielle de 2025 ».
Une démocratie ivoirienne à l’épreuve du temps et des ambitions
La Côte d’Ivoire n’est pas un cas isolé. Ces dernières années, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Togo, Guinée, Bénin) ont connu des amendements constitutionnels permettant aux présidents en place de prolonger leur pouvoir, souvent au prix de fortes tensions internes.
Mais le cas ivoirien est d’autant plus symbolique que le pays avait réussi à sortir progressivement du cycle des violences électorales, notamment après 2011.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui redoutent un retour en arrière. À l’heure où les jeunes réclament plus de justice sociale, plus de participation politique, et une alternance crédible, la reconduction annoncée d’un président octogénaire à la tête de l’État soulève des interrogations profondes sur le renouvellement générationnel.
Le 25 octobre prochain, les Ivoiriens seront appelés aux urnes. Mais dans un contexte d’exclusion, de méfiance et de polarisation, la question n’est pas tant de savoir qui va gagner, mais dans quelles conditions le scrutin sera organisé, et si le pacte démocratique ivoirien pourra sortir renforcé de cette nouvelle épreuve.
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