
Washington – La visite du président sud-africain Cyril Ramaphosa à la Maison Blanche, censée symboliser un rapprochement diplomatique et économique avec les États-Unis, a rapidement viré à la confrontation politique. Au cœur de la discorde : les accusations, sans fondement, de Donald Trump évoquant un prétendu "génocide des fermiers blancs" en Afrique du Sud. Un échange tendu aux répercussions importantes, tant pour les relations bilatérales que pour l’image internationale de Pretoria.
Cyril Ramaphosa est arrivé à Washington avec l’intention de rétablir un dialogue constructif entre l’Afrique du Sud et les États-Unis, après plusieurs années de refroidissement diplomatique, notamment sous l’administration Trump. L’objectif affiché était clair : relancer les investissements américains, maintenir les accords commerciaux avantageux et corriger des perceptions négatives de la politique intérieure sud-africaine.
Mais dès les premiers instants de la rencontre dans le Bureau ovale, le ton a été donné par le président américain. Dans une mise en scène très politique, Donald Trump a interrompu les échanges pour diffuser une vidéo montrant un homme politique sud-africain entonnant un chant anti-apartheid contenant des paroles violentes. Il a ensuite brandi une image d’un article de presse censé illustrer les exactions contre des fermiers blancs.
Problème : la photo brandie par Trump, présentée comme preuve de massacres en Afrique du Sud, était en réalité issue d’un reportage de Reuters filmé en République démocratique du Congo, à Goma, lors d’un affrontement entre l’armée congolaise et les rebelles du M23. La désinformation manifeste, couplée à l’incapacité de Ramaphosa à répondre efficacement à cette attaque inattendue, a profondément marqué l’opinion sud-africaine.
Malgré la violence symbolique de cet échange, la visite s’est poursuivie autour d’un déjeuner officiel où les discussions ont repris sur les dossiers initiaux : commerce, investissement, et diplomatie. Ramaphosa a tenté de relativiser l’incident : « Vous vouliez du drame, je suis désolé de vous avoir un peu déçu », a-t-il déclaré en marge du déjeuner.
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Les propos de Donald Trump s’inscrivent dans une rhétorique déjà bien ancrée dans les milieux d’extrême droite aux États-Unis et dans certaines sphères conservatrices européennes. La théorie du "génocide des fermiers blancs" — selon laquelle la minorité blanche serait victime d’un nettoyage ethnique en Afrique du Sud — ne repose sur aucune preuve statistique ou factuelle.
Selon les chiffres officiels du gouvernement sud-africain et de plusieurs organismes de recherche indépendants, les violences à l’encontre des fermiers, bien que réelles et préoccupantes, touchent toutes les communautés. En 2023, l’agriculture sud-africaine comptait 36 meurtres de fermiers, dont environ un tiers étaient des Noirs, selon les données de l’Agricultural Business Chamber (Agbiz). De plus, les statistiques montrent une baisse continue des crimes dans les zones rurales depuis 2019, grâce à un renforcement des mesures de sécurité publique.
Cette théorie, pourtant discréditée à plusieurs reprises, continue de circuler notamment sur les réseaux sociaux, alimentée par des figures comme Elon Musk — né en Afrique du Sud — qui ont relayé à plusieurs reprises des accusations de lois "anti-blancs". Ce dernier était d’ailleurs présent dans le Bureau ovale durant l’entretien, renforçant la dimension politique de l’épisode.
Un revers diplomatique pour Pretoria malgré des objectifs économiques clairs
Sur le fond, la visite visait à garantir la pérennité des relations commerciales entre les deux puissances. Les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial de l’Afrique du Sud après la Chine, et l’accord AGOA (African Growth and Opportunity Act), qui permet à Pretoria d’exporter certains produits sans droits de douane, représente un enjeu stratégique.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa en 2018, l’Afrique du Sud s’est engagée dans un processus de redressement économique après les années de corruption généralisée sous Jacob Zuma. Le pays a vu son taux de croissance remonter légèrement, atteignant 1,6 % en 2023 après la pandémie, tout en conservant une position économique dominante sur le continent africain. Il reste la troisième économie d’Afrique en 2025 derrière le Nigeria et l’Égypte, avec un PIB estimé à 410 milliards de dollars, selon le Fonds monétaire international.
Le président sud-africain souhaitait également attirer de nouveaux investissements dans les infrastructures, les énergies renouvelables et la technologie. La possible collaboration avec des entreprises américaines comme Tesla et Starlink (dirigées par Musk) était au cœur des discussions en coulisses.
Mais la rencontre avec Trump a brouillé le message. Des analystes sud-africains, comme le professeur Zimkhitha Manana, estiment que la délégation de Ramaphosa n’était pas préparée à une diplomatie aussi agressive : « Ils se sont présentés à une réunion de politique étrangère classique, alors que c’était un show politique à l’américaine. »

Réactions contrastées en Afrique du Sud et malaise populaire
La séquence diffusée dans les médias du monde entier a provoqué une onde de choc en Afrique du Sud. Pour de nombreux citoyens, l’image d’un président sud-africain sommé de s’expliquer face à des accusations mensongères, sans pouvoir reprendre le contrôle de l’échange, a suscité malaise et incompréhension.
« Pourquoi est-il là-bas ? Trump a clairement montré ce qu’il pense de notre pays », déclare Dumisani Mnisi, étudiant à Johannesburg. D’autres pointent les intérêts privés derrière le voyage, en lien avec des tractations concernant la couverture internet de Starlink ou des accords énergétiques. La présence de figures controversées comme Elon Musk ou Johann Rupert, homme d’affaires afrikaner proche du pouvoir, renforce ces interrogations.
La classe politique, quant à elle, reste divisée. Certains membres de l’opposition accusent Ramaphosa d’avoir cédé à la pression américaine sans défendre fermement la souveraineté sud-africaine. D’autres, au sein de l’ANC (le parti au pouvoir), appellent à relativiser un incident certes humiliant, mais diplomatiquement "gérable".
Un partenariat bilatéral fragilisé, mais pas rompu
L’échange tendu entre Ramaphosa et Trump illustre les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les pays africains lorsqu’ils interagissent avec des puissances occidentales engagées dans des logiques de confrontation idéologique. En réponse à l’hostilité américaine, Pretoria a récemment renforcé ses liens diplomatiques avec la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil, au sein du bloc des BRICS.
Néanmoins, Cyril Ramaphosa a réitéré sa volonté de poursuivre le dialogue avec Washington. Il a rappelé que les relations entre les deux pays ont connu des périodes difficiles, mais qu’elles restent fondées sur des intérêts communs en matière de commerce, de climat et de sécurité régionale. « Notre objectif en venant ici était de repositionner les relations, de corriger les incompréhensions et de reprendre un dialogue stratégique. Nous continuerons de nous engager », a-t-il affirmé.
Il reste que l’image d’un président africain attaqué sur des bases fausses, à la Maison Blanche, avec des éléments de désinformation manifeste, restera comme un tournant symbolique. Pour l’Afrique du Sud, il s’agira désormais de tirer les leçons de cet épisode et de mieux maîtriser les codes d’une diplomatie contemporaine de plus en plus médiatisée, imprévisible et politisée.
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